BRESIL. Destitution de Dilma Rousseff : des députés au nom de Dieu

Dimanche 17 avril, lors du vote de la procédure de destitution de Dilma Rousseff à la Chambre des députés, nombreuses furent les références à Dieu et à la religion. Jusqu’à incommoder les religieux, pour qui mêler foi et politique porte atteinte à la laïcité de l’État. A l’ouverture de la séance, le président de la Chambre Eduardo Cunha, par ailleurs adepte d’une église évangélique, avait donné le ton en déclarant : « Que Dieu protège cette nation ! » Les différents courants religieux, athées et agnostiques n’ont pas manqué de réagir à cette inflation verbale déplacée. [Agência Brasil, 19/04/16.]

Les chrétiens
Le Conseil national des Eglises chrétiennes du Brésil, qui regroupe les évangéliques luthériens, anglicans, méthodistes et catholiques, s’est positionné contre la destitution. Selon lui, le recours à la religion pour justifier des prises de position sur des sujets controversés brouille le message religieux. Pour sa présidente Romi Bencke, la foi peut contribuer à la paix, promouvoir le dialogue et renforcer la diversité, mais sortie de son contexte elle peut générer la violence. « Citer la bible hors contexte et invoquer Dieu pour défendre des positions conservatrices nous inquiète beaucoup. Il devient urgent de réfléchir sur le rôle de la religion dans la société ». Le théologien et écrivain Leonardo Boff, ancien prêtre catholique, représentant de la théologie de la libération au Brésil, critique également le discours religieux des parlementaires qui ont relégué au second plan les motifs de la destitution – maquillage des comptes publics [des manœuvres comptables déjà pratiquées par ses prédécesseurs]. Selon Boff, leur conduite rappelle le mouvement « conservateur » de 1964, symbolisé par les Marches de la Famille avec Dieu et contre la corruption, qui déboucha sur le coup d’État militaire.

Les animistes
Selon le babalawó Ivanir dos Santos de la Commission de lutte contre l’intolérance religieuse, qui réunit des représentants de diverses religions, « les députés ont essayé d’infléchir une orientation religieuse, qui ne reflète pas la diversité de la société, pour justifier leurs actions.» Et de mettre en garde contre le risque de diabolisation des religions minoritaires : « Certains de ces parlementaires qui montent aujourd’hui en puissance persécutent les religions d’origine africaine. Notre préoccupation concerne les lieux de culte du Candomblé associés de manière irresponsable au diable et incendiés volontairement, et aussi l’apprentissage de la culture afro-brésilienne assimilé à tort à l’enseignement de la magie noire

Les boudhistes
Pour les bouddhistes, les députés ont mélangé religion et intérêts privés. Jyunsho Yoshikawa, moine à la tête du Temple Hoshoji à Rio, invite les parlementaires à plus de prudence. « Ce fut choquant d’entendre les discours au nom de Dieu, comme si c’était Dieu qui parlait ou décidait. Citer vainement Dieu, insulter son adversaire, lui cracher dessus ou soutenir la dictature, tout ce que nous avons vu et entendu à la Chambre est le reflet de la société. A quoi bon vouloir améliorer la politique si nous n’essayons pas nous-mêmes de devenir meilleurs. »

Les athées et agnostiques
Le président de l’Association brésilienne des athées et des agnostiques Daniel Sottomaior remet aussi en doute l’attitude des parlementaires, en particulier les évangéliques. Pour lui, le manque de considération envers l’État laïc et l’exigence de neutralité est une agression directe contre la liberté.

Les évangéliques
Selon les évangéliques de l’Assemblée de Dieu, les propos des parlementaires reflètent l’insatisfaction vis à vis des idées progressistes. « Le groupe des évangéliques lutte pour garder la tradition, les coutumes, la foi. Notre engagement politique s’appuie sur la parole de Dieu. Nos élus au Congrès se sont engagés à empêcher l’adoption de lois qui portent atteinte à la liberté religieuse et à la tradition, comme l’union de personnes de même sexe», déclare le pasteur Lélis Washington.

Titre original : Religiosos criticam citações a Deus na sessão da Câmara que votou impeachment, Agência Brasil, 19/04/16, Isabela Vieira/Nanna Pôssa

Eduardo Cunha : Tout au long de la séance parlementaire, le président de la Chambre a été la cible de nombreux députés : « crapule», « gangster », « voleur », « putschiste », « corrompu ». Au moment de voter, il a déclaré laconiquement : « Que Dieu ait pitié de cette Nation !» Personnage central de la procédure de destitution, Cunha est accusé d’avoir touché quelque cinq millions de dollars de pots de vin dans l’affaire Petrobras et de détenir 4 comptes en Suisse.

Photo Eduardo Cunha – copyright Veja http://ift.tt/19xqQr0 

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